Romans pour adultes

De l’autre côté du monde – Stephanie Bishop

delautrecôtéCambridge, 1963. Charlotte est mère de deux filles en bas-âge et étouffe. Elle n’en peut plus d’être confinée à l’intérieur de cette petite maison lugubre et humide en attendant les beaux jours, n’en peut plus de ne pas avoir une seconde à elle. Elle rêve de grands espaces, d’air pur, de pouvoir se promener dans sa campagne anglaise tant aimée et de peindre, elle pour qui la peinture est tout.

Son mari, Henry, revient alors à la maison avec une idée en tête : déménager de l’autre côté du monde, en Australie, terre de nouveaux espoirs. Là-bas, tout serait possible ! Là-bas, ils pourraient commencer une nouvelle vie, dans une grande maison avec un grand jardin ; il y aurait de l’espace pour les filles, du temps pour peindre et la chaleur qui fait tant défaut à l’Angleterre.
A contrecœur, Charlotte fini par accepter. Le gouvernement australien prend en charge les frais de déménagement et d’installation des familles anglaises et Henry a décroché un post de professeur à l’université de Perth ; elle n’a plus d’argument à lui opposer.

Une fois en Australie, Henry reste plus que jamais optimiste, même si rien ne se déroule comme prévu. La maison et son jardin de terre sèche ne ressemblent en rien à l’image promotionnelle. Au travail, il doit faire face à un racisme primaire qu’il rencontre pour la première fois. C’est vrai que rien, ni son nom ni son dossier personnel, ne laissait penser qu’il était originaires de l’Inde britannique, mais jamais il n’aurait cru que cela puisse être un problème ! Il se voit reléguer dans un minuscule bureau et ses heures de cours fondent comme neige au soleil. Plus rien ne tient, sous ce soleil cuisant, et rien ne pousse dans le jardin. Mais il faut tenir, s’armer de courage et de meilleurs jours viendront.

Charlotte, elle, n’a plus le courage. Ici, sa vie est encore pire qu’en Angleterre. Elle est loin de sa terre, loin de ses plaines vertes qu’elle affectionne tant, loin de sa famille. Les filles grandissent et demandent chaque jour plus d’attention et, lorsqu’elle essaie de peindre, elle a l’impression d’avoir perdu quelque chose.

Mon avis

Dès les premières pages, je me suis retrouvée plongée dans un endroit exigu et humide. J’avais moi aussi très envie d’en sortir et ai accueilli avec soulagement l’idée de Henry. Oui, allons voir ailleurs ce qu’il s’y passe, laissons derrière nous les hivers froid et pluvieux pour le soleil australien ! Je me suis laissé emporter par son énergie, prenant le bateau à leurs côtés, assurant à Charlotte que là-bas, tout irait mieux.

J’ai observé ce couple qui pourrait si bien naviguer ensemble si seulement ils prenaient le temps de se parler et de comprendre leurs différences. Alors que Charlotte a besoin de ses racines, Henry, lui, peut faire de n’importe quelle terre sa maison.

De l’autre côté du monde traite aussi – et surtout, finalement – de la maternité. Nous sommes dans les années 1960 et le couple marital est encore divisé entre le père qui travaille pour subvenir aux besoins de sa famille et la mère qui tient son foyer et se consacre entièrement à ses enfants. La vie de mère ne suffit pas à l’épanouissement de Charlotte, elle a besoin d’autre chose sans bien savoir quoi mais ne peut se confier à personne. Qui comprendrait qu’elle se plaigne de sa vie pourtant si belle en apparence ?

« Ces oscillations extrêmes de son humeur l’épuisent : voilà à quoi ressemble la vie quand on a des enfants, elle le sait maintenant. Elle pense à la journée qu’elle a devant elle et se sent fatiguée, encore plus fatiguée, les bras et les jambes lourds. Il ne faut jamais relâcher sa vigilance : May est capable de mettre dans sa bouche n’importe quoi, un cafard mort, une coquille d’escargot, et les questions de Lucie exigent des réponses. Sans cesse il faut surveiller, sans cesse il faut expliquer. « 

Stephanie Bishop donne à son roman un tournant inattendu avant de revenir à une fin plus conventionnelle – ce qui n’enlève aucune force à son histoire. C’est un livre très agréable à lire de part le style de son auteur mais pas toujours de part ses thèmes. Tout n’est pas rose, l’intégration n’est pas facile et la vie de famille ne suffit pas forcément. Mais c’est un roman intelligent, d’une auteur qui ose nous emmener au plus profond de nos envies et besoins. Et finalement, cela me fait du bien aussi de lire ce genre de roman.

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